Accusée de rendre fous ses consommateurs, l’absinthe a été interdite il y a plus de 100 ans dans plusieurs pays du monde, dont la France. C’est une boisson alcoolisée qui renaît depuis quelques années et elle est désormais utilisée dans la composition de nombreuses boissons. Appelée parfois la «fée verte», elle est produite à partir de plantes d’absinthe et sa préparation nécessite l’utilisation d’accessoires spécifiques.
Dans cet article, nous allons vous parler de l’histoire de l’absinthe, vous expliquer le mythe autour de cette boisson autrefois sujette à controverse, puis interdite et à nouveau commercialisée en France depuis quelques années.
L’histoire de l’absinthe
Les origines exactes de l’absinthe ne sont pas connues avec certitude. Pour certains, elle est originaire d’Égypte, d’autres situent sa naissance en Grèce. Le mot «absinthe» est en effet originaire du mot grec «absinthion», qui désigne une plante utilisée dans la Grèce antique comme médicament pour soigner certaines maladies. Mélangées à l'artemisia, les feuilles d’absinthe étaient trempées dans du vin et servait au moment des naissances, car les anciens la pensaient capable de faciliter l’accouchement des femmes.
Les vertus thérapeutiques de l’absinthe étaient notamment utilisées par Hippocrate qui prescrivait l’ancienne absinthe comme traitement pour de nombreux maux, comme les douleurs menstruelles, l’anémie, la jaunisse, mais aussi les rhumatismes. Dans l’Égypte ancienne, l’absinthe était également utilisée pour ses propriétés aphrodisiaques et elle était réputée pour sa capacité à développer la créativité.
Pendant plusieurs siècles, l’absinthe a ainsi été utilisée en médecine et elle était très populaire dans de nombreuses civilisations. Son action sur la santé était alors communément admise et le vin à base d’absinthe a longtemps été l’une des boissons les plus consommées.
L’absinthe distillée, une boisson qui se popularise
L’absinthe distillée, composée d’anis vert et de fenouil, a fait son apparition vers la fin du 18e siècle. Cette absinthe a été préparée pour la première fois à Neuchâtel en Suisse par une herboriste du nom de Henriette Henriod. De ce fait, beaucoup considèrent que la « vraie absinthe » est originaire de Suisse. A partir de cette recette, plusieurs concoctions à base d’absinthe sont ensuite produites, comme la crème d’absinthe ou encore le vin d’absinthe.
En 1830, la France a conquis l’Algérie et durant le séjour des soldats français sur le territoire algérien, ces derniers buvaient de l’absinthe diluée dans de l’eau pour calmer les effets de la malaria et de la dysenterie. On estime que plus de 100 000 soldats présents sur le sol algérien se sont soignés grâce à l’absinthe. A leur retour en France, ils ont gardé cet attrait pour cette boisson et l’absinthe s’est alors popularisée à travers tout le pays. L’absinthe est surnommée à cette époque la « boisson verte » du fait de sa couleur. Elle est alors une boisson réservée aux bourgeois, car son coût restait élevé au début des années 1850. Au fil du temps, l'absinthe a gagné du terrain, notamment du fait de son attrait exotique, et elle était servie comme apéritif dans de nombreuses soirées. Il était cependant impossible de boire de l’absinthe à l’état pur et il était nécessaire de la boire diluée.
La première distillerie d’absinthe a été créée par la société Pernod père et fils, fondée par Jules-François Pernod. Plusieurs autres usines de distillation voient également le jour à cette époque. Ces distilleries ont ainsi produit 10 millions de litres en 1849 puis, avec une croissance importante, la production a atteint 36 millions de litres en 1910.
L’absinthe, la boisson préférée des artistes
Quelques artistes et poètes ont commencé à s’intéresser à la fée verte et y ont pris goût. Consommé par les plus grands littéraires de l’époque comme Paul Verlaine et Arthur Rimbaud, l’absinthe représente alors la boisson préférée des génies. D’autres artistes ont même rendu hommage à l'absinthe à travers leurs œuvres. Van Gogh ou Hemingway utilisaient l’absinthe pour «se vider la tête et chercher l’inspiration». L’absinthe séduisait également les artistes libertins du monde entier. Par exemple, l’auteur Alfred Jarry, souvent vu comme un alcoolique, consommait d’énormes quantités d’absinthe avant d’écrire ses textes. Pablo Picasso a peint «le buveur d’absinthe et la percée cubiste» et «le verre d’absinthe». Pour bien des artistes de cette époque, l’absinthe était un breuvage qui réchauffe le cerveau, nourrit l’estomac et permet de se changer les idées.
D’autres commencent à dénoncer ses effets, comme le peintre Édouard Manet qui peint en 1859 «le buveur d’absinthe», un tableau qui met en scène un chiffonnier qui fréquente souvent les environs du Louvre. Par ce tableau, Manet voulait dépeindre l’ivresse des consommateurs de l’absinthe. A cette époque, c’était en effet un état idéalisé, et le peintre le déplorait.
La prohibition de l’absinthe
Au début des années 1850, l’absinthe était très courante dans de nombreuses villes européennes et elle s’est même exportée aux États-Unis vers 1870. Mais très vite, l’absinthe a été associée à des crimes violents, des problèmes sociaux et à la consommation de drogue dure. La toxicité de l’absinthe était attribuée au fait qu’elle contient du méthanol, un alcool neurotoxique. Cette substance a été considérée comme responsable de la folie de grands artistes comme Van Gogh ou Toulouse-Lautrec.
Par ailleurs, plusieurs campagnes de diffamation ont été menées contre l’absinthe, notamment par l’industrie du vin. Celle-ci propageait la rumeur selon laquelle, l’absinthe était une boisson frelatée et démoniaque. Il y avait ainsi une forte propagande anti absinthe et cela a finalement conduit à son interdiction dans de nombreux pays.
La Suisse est le premier pays ayant interdit sa consommation et sa vente sur son territoire le 5 Juillet 1908. Cette décision était motivée par les dégâts sociaux qu’elle était accusée de causer.
En France, l’interdiction de l’absinthe a été soutenue par des mouvements rassemblant des ligues antialcooliques, des membres de la société civile, des médecins et l’église catholique. Tous militent alors pour l’interdiction de l’absinthe. En 1915, elle est finalement interdite dans tout le pays par une décision préfectorale. Aux États-Unis, l’absinthe a été déclarée illégale en 1912. A la suite de ces interdictions, plusieurs fabricants d’absinthe se sont reconvertis dans la production d’autres boissons comme le vin, le pastis ou des anisés sans sucre.
Le retour en grâce de l’absinthe
De nos jours, les lois sur l’absinthe diffèrent d’un pays à un autre. Plusieurs pays comme la France ont de nouveau autorisé la production de l’absinthe avec pour condition de surveiller étroitement les quantités de thuyone, car ce composant chimique peut provoquer des modifications de comportement, une forte désinhibition, des hallucinations et des convulsions. Il est donc considéré comme l’élément responsable des effets dévastateurs que l’absinthe pouvait avoir dans le passé. En France, la production et la vente d’absinthe ont été à nouveau autorisées en 2001, selon des conditions précises. En revanche, la production d’absinthe avec de hauts degrés d’alcool, semblables aux absinthes commercialisées au 19e siècle reste interdite.
De nombreuses marques en produisent désormais. Citons par exemple, l’absinthe Mansinthe, créée pour le chanteur Marilyn Manson,et en collaboration avec lui. Il a en effet dessiné lui-même l’étiquette, se représentant très âgé, dégustant un verre d’absinthe. Pernod et Fils propose également des bouteilles d’excellence, comme l’absinthe Tarragona Vintage 1960s. En effet, ce grand producteur a maintenu sa production en Espagne, où elle était encore légale. Cette bouteille est un produit rare, une véritable pièce de collection, qui appartient à l’histoire.
